mardi 19 septembre 2023

A Marseille les victimes d'abus grandes oubliées du Pape?

 A Marseille, pour les journées méditerranéennes, l’Eglise a ( presque ) tout pensé en terme  
d’ouverture à l’autre, sauf en direction des victimes de ses propres abus. 


Vendredi 1er septembre avait lieu à Marseille, au café « République », le dévoilement à la presse et  
aux différents acteurs institutionnels, du programme des rencontres méditerranéennes, ou MED23, qui ont débuté samedi 16 et que viendra clôturer la visiter du Pape François, les 22 et 23 septembre prochains. 


Les rencontres méditerranéennes sont un « Festival », déployé sur trois thématiques : la migration et  les morts en mer, la grande précarité et le « pluralisme religieux ».
Autant de thèmes qui recouvrent des réalités difficiles, la violence et la tragédie des migrants morts  par milliers en mer Méditerranée. A la veille de la venue de François, l’actualité rejoint le « Festival »  de Marseille, avec ces 8500 migrants de Lampedusa, au sud de l’Italie, dont le nombre attise la  panique des Institutions défaillantes. 


L’accent de la visite de François sera mis, on s’en doutait, sur le sort de ces migrants et des disparus  en mer. Le 24 septembre, dernier jour du Festival, sera en effet la journée mondiale du réfugié et du  migrant. 


En attendant, que seront devenus les milliers de migrants de Lampedusa ?
Ils espèreront un sort favorable, seront peut-être reconduits, mais songeront déjà à refaire la traversée au péril de leur vie. 


Certains observateurs ont cependant relevé que si le Pape venait à Marseille, il n’avait pas réellement l’intention de s’adresser à l’Eglise de France, faisant de la cité phocéenne uniquement un  
symbole pour déployer sa vision sur la Pastorales mondiale des migrants.
Or l’Eglise elle-même est sans doute le premier patient à soigner. 


Un dicton d’Asie dit que : « toute sa vie, la brebis a peur que le loup ne la tue. Mais finalement c’est le berger qui la mange ».
Cette image correspond bien à la réalité des scandales structurels endémiques dans laquelle est engluée l’Eglise universelle, avec des abus sexuels dont le nombre atteint les 200 000 en France selon le rapport de la CIASE. Les chiffres sont probablement statistiquement équivalents dans les autres pays. Une paille ?  


Une enquête menée par France Info, France 24 et les cellules d’investigations de Radio France ont  révélé le 15 septembre que plusieurs missionnaires des Missions étrangères de Paris sont soupçonnés d’agressions sexuelles sur des enfants : un nouveau scandale qui fait trembler l’Eglise catholique : viols, tentatives de viol et viols aggravés sont les chefs d’accusation concernent deux « missionnaires » en Thailande, le père Philippe et le père Aymeric ; quant à l’évêque de la Rochelle, Monseigneur Georges Colomb, ancien supérieur des missions étrangères de Paris, il est soupçonné de « tentative de viol », mais aucun des trois n’a fait l’objet d’une mise en examen et tous bénéficient d’une présomption d’innocence. Si le premier a avoué avoir été « « initié à une vie sexuelle active par les prêtres chargés de le former, étant « une bonne recrue comme objet sexuel », le deuxième n’a pas répondu aux journalistes, et Mgr Colomb nie aussi les faits. Cependant les accusations concernant les missionnaires pourraient être plus larges encore.

Aujourd’hui, 18 septembre, MédiaCités publie une enquête révélant que l’archevêque de Montpellier, Monseigneur Turini, ancien évêque de Cahors, a protégé depuis 2013 un prêtre pédocriminel, en prenant sa défense contre la victime, un enfant de 13 ans, qu’il accuse d’avoir  « provoqué » les attouchements. Ceci n’a pas empêché Monseigneur Turini d’être nommé  archevêque de Montpellier il y a un an. On atteint les sommets dans l’ignominie. Et ceci n’est malheureusement que la partie émergée de l’iceberg.  


Ces scandales qui minent l’Eglise de France, et le message du Christ, ne sont pas les sujets du jour à Marseille, ni pour le Pape, qui n’a toujours pas reçu la CIASE pour son travail d’enquête, inédit dans  
l’histoire. Or ce rapport colossal par ses révélations et ses enjeux, pose la question de structures  perverties dans l’Institution. Saint Jean Paul II aurait pu parler de « structures de mort ».
Certains médias catholiques ont mis en cause le rapport de Jean Marc Sauvé, sur la base d’une vision complotiste, selon laquelle cette enquête serait en fait diligentée par la franc-maçonnerie pour détruire l’Eglise.
 

Les victimes des prédateurs, elles, n’existent pas dans un tel raisonnement – sans doute sont -elles  aussi « dans le coup », complices de ce complot universel du mal contre l’Eglise mystique du Christ ?  
En creusant, on serait sans doute effarés de constater quel mépris certains milieux accordent aux  victimes d’abus. Dans certains cas, il vaut mieux enterrer la victime pour préserver un système.
En France, le Pape entendra la voix des migrants, mais entendra-t'il la voix des innocents abusés qui crient dans le silence ?
A bien y regarder, le principal obstacle à l’Eglise aujourd’hui n’est peut-être pas tant le monde, la société, ou le matérialisme, que l’Eglise elle-même. 

L’Eglise croule sous le poids de ses mensonges, et elle entretient l’illusion d’être en posture de prophétiser sur le monde, alors qu’elle n’est même pas en mesure de mettre hors d’état de nuire ses  
propres prédateurs et de soigner ses brebis blessées. 


L’hôpital de campagne, ce n’est pas à la périphérie qu’il faut l’installer, c’est au cœur même de l’Eglise. Et le premier mal à éradiquer, est la culture du silence et du mensonge qui tue, c’est l’abomination de l’abus des plus faibles. 


Sabine Faivre psychologue, essayiste et éditorialiste pour Boulevard Voltaire, Tysol France, Deliberatio et Wolność la parole libre.