En réponse à ceux qui me demandent, goguenards, si je suis de mariage à chaque fois qu'ils me croisent dans la rue.
Pourquoi je porte le complet veston et la cravate au quotidien ? Et même pour aller faire les courses au bas de la rue ?!
Tout d'abord, j'aimerais dire que je ne porte pas uniquement des cravates. En effet, il m'arrive de porter des lavallières et des nœuds papillon.
Pourquoi je le fais ?
Je le fais par résistance, je fais de l'élégance un acte militant. Car oui, je pense que se vêtir avec préséance et déférence dans une société où la laideur vestimentaire a pris le dessus, c'est la nouvelle subversion, être un dandy d'antan : le nouvel anticonformisme.
Le jeans et le t-shirt, le survêtement à trois bandes, la casquette à l'envers et les pantalons baggy ne cassent plus les codes, ils sont les codes. Au grand dam de certains gauchistes, rebellocrates de sous-préfecture qui pensent encore que les apparats de rappeurs ou d'alter mondialiste à tresse rasta représentent encore la fracture.
Dans notre société post moderne, déconstruite, ils incarnent la norme. Leur accoutrement est devenu l'uniforme du plus grand nombre. Ils n'incarnent plus l'avant garde. Ils sont dépassés, ringards. Ils ne font que courir après le culte du laid, leur nouveau veau d'or.
Aujourd'hui ne pas mettre de cravate à l'Assemblée nationale, revient à montrer son postérieur à la télévision : un spectacle mille fois éculé, qui ne fait plus rire personne et ne choque plus les vieilles rombières ni les grenouilles de bénitier versaillaises.
Dans cet océan d'immondices déstructurants, c'est l'élégance et l'esprit de civilité courtoise l'acte de rébellion suprême, la galanterie et l'esprit de gentil homme la nouvelle avant garde.
Ensuite, je m'y attelle par respect pour autrui, car s'habiller convenablement et avec dignité, c'est effectivement se montrer à l'autre dans une démarche de respectabilité mutuelle. On s'habille d'abord pour autrui. Chaque habit à son usage : on ne se présente pas à l'agora comme on va à la salle de sport.
Enfin, j'admire les générations qui m'ont précédées. Pas celle de me parents, ni celle de mes grands-parents pour qui j'ai tout de même un profond respect. Je ne les admire pas, mais ne leur en veut pas d'être les produits de leurs époques.
Mes grand-mères, où tout du moins la génération de mes grands-mères, ont brûlé leurs “soutifs” et leurs “bas couture”. Mes parents, dans la décennie de ma naissance, étaient la génération des jeans "Levi's", des “Converse” et de la tragédie capillaire... la coupe mulet. Je pourrais leur en vouloir de ne pas avoir résisté, d'avoir accompagné la longue agonie de l'Occident, de l'Europe, de cette civilisation de l'harmonie et du nombre d'or née de Périclès et Marc Aurèle.
À quoi bon ?!
Avec mon costume, je porte la mémoire de mes arrière-grands-parents. Qui ouvriers, qui paysans, malgré les conditions misérables et la rudesse de l'existence, prenaient soin, avec la modestie des gens de peu, de se parfumer et de sortir chaque dimanche le seul costume de leur indigente penderie ; costume repassé et remisé avec un méticuleux égard dans la petite armoire de la pièce à vivre.
Soit pour aller à la messe, soit au bistrot avec les copains, tout en paradant au bras de leurs femmes maquillées, coiffées et affublées de leur plus belle robe. Et à qui, ils promettaient d'aller danser à la guinguette du village l'après-midi. Unique distraction de la semaine avec la lecture. C'était une parenthèse de beauté durant laquelle les sabots crottés laissaient place à la douce euphorie que provoquent le beau et l'authenticité.
Le futur appartient au beau, soyez dandyesque !
Florian Marek rédacteur de Wolność, éditorialiste et philosophe.