Au lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron, il peut être utile de ré-écouter le discours de François Sureau à l’Académie française, ce vibrant hommage à la liberté : « ceux qui s’imaginent gouverner les autres sont à plaindre parce qu’ils ne gouvernent rien ».
L’auguste assemblée ne devait pas s’attendre à une telle douche glacée. François Sureau n’a pourtant pas mâché ses mots, et c’est un discours puissant qu’il a livré sous la Coupole le 3 mars, sous l’air ahuri de Brigitte Macron. Et ce n’était pas précisément un discours à la gloire du système qui nous gouverne. Dans son discours, François Sureau a pulvérisé le système macroniste qu’il a comparé à Staline et Mussolini.
Au lendemain de la ré-élection d’Emmanuel Macron, les mêmes questions se posent.
« Je ne sais ce que Max Gallo aurait pensé du moment où nous sommes, où la fièvre des commémorations nous tient, pendant que de l’autre côté disparaît le sens des institutions que notre histoire nous a léguée » a-t-il asséné, « une séparation des pouvoirs battue en brèche, les principes du droit criminel rongé sur leur marge, la représentation abaissée, la confusion des fonctions et des rôles recherchée sans hésitation, les libertés publiques compromises, le citoyen réduit à n’être plus le souverain, mais simplement l’objet de la sollicitude de ceux qui le gouvernent et prétendent le servir et le protéger, sans que l’efficacité promise, ultime justification de ses errements, soit jamais au rendez-vous »
Et de poursuivre sur la censure des opinions, l’interdiction de penser : « Chacun faisant appel au gouvernement, au procureur, aux sociétés de l’information, pour interdire les opinions qui le blessent, où chaque groupe se croit justifié de faire passer pour son compte la nation au tourniquet des droits de créance, où gouvernement et parlement prétendent, comme si la France n’avait pas dépassé la minorité légale, en bannir toute haine, oubliant qu’il est des haines justes, que la République s’est fondée sur la haine des tyrans ».
Infantilisation des citoyens, paternalisme outrancier et autoritaire, intrusion dans la sphère privée, maquillage de la lutte contre la haine par la censure des opinions contraires, tyrannie intellectuelle, tels sont ces hydres que François Sureau a foudroyé tour à tour :
« la liberté, cet être révolté, blessé, surpris par les opinions contraires, personne n’aimerait vivre dans un pays où les institutions généralement défaillantes dans leurs fonctions essentielles, celle de la représentation comme celle de l’action, se revancheraient en nous disant quoi penser, comment parler, quand se taire. En un Siècle d’histoire constitutionnelle, nous aurons vu se succéder le système des partis, le système de l’Etat, le système du néant. »
« Je ne crois pas que Gallo ait souscris à cette substitution du lapin de garenne au citoyen libre, que nous prépare cette formule imbécile, répétée à l’envi depuis vingt ans, que la « sécurité est la première des libertés » : formule dont le gouvernement nous a rebattu les oreilles à longueur de journées depuis deux ans, comme si la devise républicaine pouvait être sacrifiée sur l’autel de la « sécurité ».
Car que nous promet cette vision pour François Sureau ? La réponse est lapidaire. « A cet aune, pas de pays plus libre que le royaume de Staline ou celui de Mussolini »
Enfin, « Max Gallo se souvenait que ses prédécesseurs avaient créé, maintenu, défendu le trésor de la liberté dans ses époques autrement plus dangereuses que la nôtre, il avait pressenti ce fléchissement de l’intelligence et de la volonté qui nous fait consentir à toutes les platitudes, et l’on s’en va répétant que les « temps sont difficiles », mais les temps, comme Max Gallo nous l’a rappelé pendant un demi Siècle, sont toujours difficiles pour ceux qui n’aiment pas la liberté ».
Les mots sont dotés d’un pouvoir puissant : ils viennent d’un esprit a priori peu suspect de se livrer à la désinformation et aux fake news, ce nouvel objet de haine désigné à la vindicte publique.
Ce discours doit pouvoir nous redonner le goût de l’audace, du panache et de la liberté, à l’heure où pèsent les incertitudes sur le durcissement du mode de gouvernance Macron 2.
Sabine Faivre
Sabine Faivre est psychologue, auteure du livre "La vérité sur l'avortement aujourd'hui" et éditorialiste chez Boulevard Voltaire et Tysol France.